Il y a 15 ans, en juillet 1991, je suis partie pour des vacances rejoindre en Grèce l'homme avec qui je partageais à l'époque une très jolie histoire d'amour. Il était grec, et pour respecter son anonymat on va l'appeler Sandro -même s'il doit y avoir une chance sur plusieurs milliers qu'il tombe sur ce texte. Nous n'habitions pas ensemble mais nous vivions une très belle histoire, à la fois intense et fragile, puissante et légère, douce et naturelle. On se voyait tous les jours car on travaillait dans la même agence commerciale, et je passais au moins 5 soirées et nuits chez lui par semaine. On avait beaucoup d'amis communs, nos collègues, et on faisait énormément de fêtes chez lui. C'était une sorte de belle vie, faite d'amour, de rires et de bon temps, j'ai un paquet de photos qui en témoignent.
Donc, début juillet de cette année 1991, la veille de mes 32 ans (Sandro en avait 38), j'ai comme convenu débarqué à Athènes où il avait quelques jours auparavant commencé ses vacances en famille chez l'une de ses soeurs. J'avoue que je n'ai pas retenu grand-chose d'Athènes, c'est une ville très polluée que je n'ai pas eu le temps de visiter. Je me souviens essentiellement du superbe appartement avec une terrasse immense de la soeur de Sandro, sur les hauteurs de la banlieue d'Athènes, de la gentillesse de ladite soeur et de la beauté de sa fille adolescente, ainsi que de la façon de conduire très spéciale des Grecs, au klaxon. Ils foncent comme des fous et se signalent aux carrefour ou aux feux (quelle qu'en soit la couleur) en klaxonnant, aux autres de freiner à temps pour les éviter. Je me souviens aussi de mon effarement en revenant de l'aéroport avec Sandro, dont je découvrais une façon de conduire plutôt différente de celle que je connaissais en région parisienne... Le surlendemain de mon arrivée nous sommes partis à la campagne où nous attendaient deux de ses cousines, d'adorables jeunes femmes qui m'ont elles aussi accueillie à bras ouverts et chez qui on a passé deux jours. Puis, direction le rêve, une île, en amoureux. Impossible hélas de me souvenir avec certitude du nom de cette île, il y a plusieurs archipels rattachés à la Grèce et beaucoup d'îles, et je n'ai bêtement rien précisé dans mon album de photos. Tout ce que je sais c'est qu'elle était très belle, assez petite, pas très loin d'Athènes (moins de 2 heures en hydroglisseur) et interdite à tout véhicule à moteur. Après une petite recherche sur le net je pense qu'il s'agissait de l'île d'Hydra, en Saronique, mais je n'en suis pas absolument certaine.
Nous sommes restés une dizaine de jours sur cette île, et si ça n'avait tenu qu'à moi j'y aurais bien passé plusieurs semaines. Je me souviens comme si c'était hier de la pureté de l'eau, de la luminosité et de la chaleur du soleil, de la blancheur des maisons et des ruelles, et de plein, plein de bleus différents : le ciel, la mer, les portes et les volets des maisons... On logeait dans une toute petite pension de famille au fin fond d'une ruelle étroite, un peu en hauteur, dans une chambre aux murs crépis de blanc et aux meubles en fer forgé. On se levait tard, on allait se baigner au milieu des rochers et on lézardait au soleil, on déjeunait tardivement de salades dans des restaurants minuscules. On se baladait sur l'île, à pied car les véhicules y sont interdits, on y a fait des kilomètres. En fin de journée on s'installait sur le port pour boire un Ouzo en mangeant des olives, puis on rentrait à l'hôtel pour se reposer ou faire l'amour et on ressortait pour dîner vers 22 ou 23h00. Comme tous les pays chauds, la Grèce vit le soir et une bonne partie de la nuit. Je me souviens de petites tavernes dont les tables au bord de l'eau étaient éclairées à l'aide de photophores ou de lampes à huile, et où des serveurs jovials et chaleureux posaient sur des nappes à carreaux attachées aux tables par des pinces à linge tout l'ensemble de notre commande en même temps : salade épicée de tomates, oignons et féta, brochettes de viande ou de poisson cuits au feu de bois, légumes et pommes de terre sautés, que l'on arrosait de bière ou d'un vin rouge foncé exhumé de la cave dans des bouteilles ventrues recouvertes de poussière. Ensuite on marchait dans l'air rafraîchi de la nuit, on refaisait le monde et on se racontait nos vies. Sandro m'apprenait son pays, qu'il adorait, même s'il n'y vivait plus depuis longtemps. Parfois on terminait la soirée (enfin si on peut encore parler de soirée à 2h00 du matin !) dans un pub où nous avions sympathisé avec l'un des serveurs qui aimait essayer sur nous son esprit créatif en matière de cocktails. Il nous servait ses essais dans des petits verres à digestif, mais au bout de 10 "goûtages" on avait un mal fou à les différencier les uns des autres et il fallait tout recommencer la fois suivante, d'autant que l'inventeur testait ses créations avec nous et perdait assez vite le fil de ses recettes... Je me souviens de la fois où après l'une de ces fins de soirées agitées, Sandro et moi sommes allés nous installer en bord de mer sur les rochers pour regarder le lever du soleil (enfin des soleils, on voyait tous les deux un peu double), puis nous sommes perdus dans les petites ruelles blanches encore endormies en voulant regagner notre hôtel et avons finalement fait l'amour dans l'une de ces ruelles, dans le renfoncement d'une porte, en pouffant de rire comme des gosses... ;-)
Il est toujours très difficile de transmettre ses souvenirs, surtout par écrit, il nous faudrait pouvoir projeter les images photographiées dans notre tête et les sensations imprimées dans notre coeur. Les mots sont forcément plus fades. J'espère que cette note ne vous paraîtra pas trop longue, mais ce souvenir est omniprésent en moi depuis que j'y ai fait allusion dans mon avant-dernier billet et j'ai eu envie de vous le faire un petit peu partager ;-)
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